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L’ENTHOUSIASME

il y en avait le plus, et je me hâtais de peur qu’on ne me les retirât.

Mais elle dit :

— Ils sont à vous maintenant, mon chéri.

Et je les eus en effet à ma guise. Elle me les apportait le matin, tout nus, sous de longues manches flottantes. Le soir je m’asseyais à ses pieds, le dos contre ses genoux, et elle les livrait encore à mes mains et à mes lèvres. Ils frissonnèrent et vécurent sous mes baisers plus savants.

Vers cette époque, une indisposition de Philippe, auprès de qui Geneviève dut se constituer garde-malade, interrompit nos rendez-vous. Ce fut terrible. La pire catastrophe ne m’eût pas plus abattu que ce simple incident où je discernais le résultat de volontés et de forces toutes liguées contre moi. On me dépouillait, chaque heure dissipait des trésors inestimables. Désœuvré, maussade, je me réfugiais finalement auprès de Claire dont l’humeur convenait à ma lassitude.

— Comment peux-tu rester à ne rien faire, lui demandais-je, tu ne t’ennuies pas ?

L’enfant, honteuse de ne pas s’ennuyer, et que l’on avait accoutumée à rougir de son inaction, prenait son ouvrage. Mais bientôt, le laissant tomber, elle causait de Geneviève. Elle racontait les paroles affectueuses que la jeune femme lui avait dites, faisait l’éloge de ses manières, de sa voix, de son élégance, de sa figure, décrivait ses longs cheveux blonds aperçus un matin, des cheveux qui