trop de joie… et maintenant tu as peur de tes souvenirs, des lieux où tu as vécu, du visage que tu as aimé, peur que cette femme ne te rappelle ce qui est fini, en bon comme en mauvais. Réagis contre ces petites lâchetés, Pascal.
Je voulus la blesser.
— Si tu y tiens, j’irai la voir.
— Pourquoi pas, répondit-elle simplement, ce que j’aime par-dessus tout, c’est la liberté des autres, même si elle se tourne contre moi. J’ai le défaut contraire au tien : je n’ai pas assez peur de souffrir.
La fin de cette promenade fut silencieuse, et il en était ainsi chaque fois qu’elle me parlait avec cette gravité austère. Je comprends aujourd’hui qu’elle s’adressait à des instincts qui ne pouvaient encore répondre à son appel. Mais ils l’entendaient, et c’était l’effort de leur balbutiement qui me rendait triste. Rien ne nous émeut plus que de sentir en nous un bon instinct qui cherche vainement à se dégager des ténèbres. On dirait une voix d’enfant qui gémit sans qu’on sache d’où elle vienne.
Des excursions en voiture nous conduisirent vers des endroits perdus, ravins sombres, forêts profondes, où nous déterrions de ces vieux manoirs compliqués, à tourelles et à poivrières, qui, tapis aux creux les plus sauvages du Houlme et du Bocage normand, abritent les derniers rejetons d’une noblesse déchue. Respirer l’atmosphère de ces demeures moisies, surprendre un peu de l’exis-