V
LE PRINCE CONRAD S’AMUSE
ne table, une table qui s’allonge parallèlement
aux trois fenêtres de la pièce.
Un incroyable entassement de bouteilles,
de carafons et de verres, laissant à peine
de place aux assiettes de gâteaux et de fruits.
Des pièces montées soutenues par des bouteilles
de Champagne. Une corbeille de fleurs dressée
sur des bouteilles de liqueur.
Vingt convives, dont une demi-douzaine de femmes en robe de bal. Le reste, des officiers somptueusement chamarrés et décorés.
Au milieu, donc face aux fenêtres, le prince Conrad, présidant le festin, avec une dame à sa droite et une dame à sa gauche. Et c’est la vue de ces trois personnes, réunies par le plus invraisemblable défi à la logique même des choses, qui fut pour Paul un supplice incessamment renouvelé.
Que l’une des deux femmes se trouvât là, à droite du prince impérial, toute rigide en sa robe de laine marron, un fichu de dentelle noire dissimulant à demi ses cheveux courts, cela s’expliquait. Mais l’autre femme, vers qui le prince Conrad se tournait avec une affectation de galanterie si grossière, cette femme que Paul