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L’ÉCLAT D’OBUS
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du kaiser, se levant sur lui, donnèrent à Paul l’impression de son triomphe.

L’empereur entrevoyait les phases du drame qui s’était joué au cours de cette nuit, l’arrivée par le tunnel, l’enlèvement par le tunnel, l’explosion des mines provoquée pour assurer la fuite des agresseurs.

Et la hardiesse folle de l’aventure le confondait.

Il murmura :

— Qui êtes-vous ?

Paul se départit un peu de son attitude rigide. Une de ses mains se posa frémissante sur la table qui les séparait, et il prononça gravement :

— Il y a seize ans, sire, une fin d’après-midi du mois de septembre…

— Hein ! Que signifie ?… articula l’empereur, interloqué par ce préambule.

— Vous m’avez questionné, sire, je dois vous répondre.

Et il recommença, avec la même gravité :

— Il y a seize ans, sire, une fin d’après-midi du mois de septembre, vous avez visité sous la conduite d’une personne… comment dirais-je ? d’une personne chargée de votre service d’espionnage, les travaux du tunnel d’Ébrecourt à Corvigny. À l’instant même où vous sortiez d’une petite chapelle située dans les bois d’Ornequin, vous avez fait la rencontre de deux Français, le père et le fils… Vous vous rappelez, sire ?… il pleuvait… et cette rencontre vous fut si désagréable qu’un mouvement d’humeur vous échappa. Dix minutes plus tard, la dame qui vous accompagnait revint, et voulut entraîner un des Français, le père, sur le ter-