Page:Leblanc - L’Île aux trente cercueils.djvu/96

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vie soit en plein accord avec le sentiment secret qui la domine depuis si longtemps. Un jour, je n’en doute pas, vous reprendrez votre place de mère. Ce jour-là vous serez fière de François. J’aurai effacé en lui tout ce qui peut survivre de son père, et j’aurai exalté toutes les qualités de noblesse et de dignité qu’il tient de vous. C’est un but assez grand pour que je m’y voue corps et âme. Je le fais avec joie. Votre sourire sera ma récompense. » Une émotion singulière envahit l’âme de Véronique. Sa vie s’éclairait d’une lumière un peu plus calme, et ce nouveau mystère, qu’elle ne pouvait pas pénétrer plus que les autres, était du moins, comme celui des fleurs de Maguennoc, doux et réconfortant.

Dès lors, en tournant la page, elle assista au jour le jour à l’éducation de son fils. Elle vit les progrès de l’élève, les méthodes du maître. L’élève était gracieux, intelligent, appliqué, plein de bonne volonté, tendre et sensible, à la fois spontané et réfléchi. Le maître était affectueux, patient, soutenu par quelque chose de profond qui transparaissait à chaque ligne.

Et peu à peu l’enthousiasme croissait au cours de la confession quotidienne, et s’exprimait avec une liberté de moins en moins surveillée.

« François, mon fils aimé — car je puis l’appeler ainsi, n’est-ce pas ? — François, c’est ta mère qui revit en toi. Tes yeux purs ont la limpidité de ses yeux. Ton âme est grave et naïve comme son âme. Tu ignores le mal, et l’on pourrait presque dire que tu ignores le bien, tellement il se mêle à ta jolie nature… »

Certains devoirs de l’enfant étaient transcrits sur le registre, des devoirs où il parlait de sa mère avec une tendresse passionnée et avec l’espoir tenace qu’il ne tarderait pas à la retrouver.

« Nous la retrouverons, François, ajoutait Stéphane, et tu comprendras mieux alors ce que c’est que la beauté, que la lumière, que le charme de vivre, que la joie de regarder et d’admirer. »

Puis c’étaient des anecdotes sur Véronique, de petits