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BÉCHOUX ARRÊTE JIM BARNETT

Il ne répondit pas aussitôt. Ses yeux se mouillèrent de larmes. À la fin il dit sourdement :

« C’est moi, le vrai coupable… Il y a une douzaine d’années, mon fils Jean aimait une jeune fille du peuple… une simple ouvrière, de qui il avait eu un enfant… un petit garçon… Il voulait l’épouser. Par orgueil, stupidement, j’ai refusé de la voir, et je me suis opposé à ce mariage. Il allait passer outre à ma volonté. Mais la jeune fille se sacrifia… Voici sa lettre… la première…

Adieu, Jean. Ton père ne veut pas notre mariage, tu ne dois pas désobéir. Cela porterait malheur à notre cher petit. Je t’envoie notre photographie à tous deux. Garde-la toujours et ne nous oublie pas trop vite…

« Ce fut elle qui oublia. Elle épousa Véraldy. Jean, prévenu, fit élever l’enfant chez un vieux maître d’école, aux environs de Chartres, où sa mère alla plusieurs fois le voir en grand secret. »

Béchoux et Barnett se penchèrent. À peine si l’on entendait les paroles que le général semblait prononcer pour lui-même, tout en tenant les yeux sur les lettres où le passé se résumait d’une manière si troublante.

« La dernière, dit-il, remonte à cinq mois… Quelques lignes… Christiane avoue ses remords. Elle adore l’enfant… Puis plus rien… Mais il y a le télégramme, envoyé par le vieux maître d’école, et adressé à Jean : Enfant très malade. Venez. Et sur ce télégramme, ces terribles mots de mon fils écrits par la suite et relatant l’épouvantable dénouement : Notre fils mort. Christiane s’est tuée.

De nouveau, le général garda le silence. Les faits, d’ailleurs, s’expliquaient d’eux-mêmes. Au reçu du télégramme, Jean avait cherché Christiane et l’avait entraî-