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L’AGENCE BARNETT ET Cie

Le baron se leva et dit d’un ton résolu :

« Allons. Que l’on veuille bien me suivre. »

On s’en alla par la grand’route, comme des gens qui se promènent. L’abbé Dessole essuyait la sueur de son visage. Le baron marchait à pas lourds et le dos courbé. Béchoux était inquiet : pas une seconde il ne doutait que Barnett, qui avait si prestement débrouillé l’aventure, n’eût aussi allègrement confisqué les objets précieux.

Très à l’aise, Jim Barnett pérorait, à ses côtés :

« Comment, diable, n’as-tu pas discerné le vrai coupable, aveugle Béchoux ? Moi, j’ai tout de suite pensé que M. Vernisson n’avait pas pu monter une telle machination à raison d’un voyage par an, et qu’il fallait un homme du pays même — un voisin, de préférence. Et quel voisin que le baron, dont le logis a vue directe sur l’église et le presbytère ! Toutes les précautions du curé, il les connaissait. Tous les pèlerinages à date fixe de M. Vernisson, il y assistait… Alors… »

Béchoux n’écoutait pas, absorbé par des craintes que la réflexion rendait plus cruelles. Et Barnett plaisantait :

« Alors, sûr de mon affaire, j’ai lancé l’accusation. Pas une preuve d’ailleurs, pas l’ombre d’une preuve. Mais je voyais mon bonhomme qui blêmissait, à mesure que ça se dessinait, et qui ne savait plus comment se tenir. Ah ! Béchoux, je ne connais pas de volupté pareille à celle-là. Et tu vois le résultat, Béchoux ?

— Oui, je le vois… ou plutôt je vais le voir », dit Béchoux qui attendait le coup de théâtre.

M. de Gravières avait contourné les fossés de sa propriété et suivait un petit chemin herbeux. Trois cents mètres plus loin, après un bosquet de chênes, il s’arrêta :