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L’AIGUILLE CREUSE

cet homme, devait prendre des proportions plus grandes que chez un autre, de même que la joie, de même que l’orgueil ou l’humiliation.

Près de la fenêtre, maintenant, le doigt tendu vers l’horizon, il disait :

— Ce qui est plus triste encore, c’est cela, tout cela qu’il me faut abandonner. Est-ce beau ? la mer immense… le ciel… À droite et à gauche les falaises d’Étretat, avec leurs trois portes, la porte d’Amont, la porte d’Aval, la Manneporte… autant d’arcs de triomphe pour le maître… Et le maître c’était moi ! Roi de l’aventure ! Roi de l’Aiguille creuse ! Royaume étrange et surnaturel ! De César à Lupin… Quelle destinée !

Il éclata de rire.

— Roi de féerie ? et pourquoi cela ? disons tout de suite roi d’Yvetot ! Quelle blague ! Roi du monde, oui, voilà la vérité ! De cette pointe d’Aiguille, je dominais l’univers, je le tenais dans mes griffes comme une proie ! Soulève la tiare de Saïtapharnès, Beautrelet… Tu vois ce double appareil téléphonique… À droite, c’est la communication avec Paris — ligne spéciale. À gauche, avec Londres, ligne spéciale. Par Londres j’ai l’Amérique, j’ai l’Asie, j’ai l’Australie ! Dans tous ces pays, des comptoirs, des agents de