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Page:Leblanc - L’Image de la femme nue, 1934.djvu/134

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maurice leblanc

Il fit ses valises machinalement. Sa souffrance devenait intolérable. Par instants, il avait envie de tout abandonner et de s’en aller, comme il était venu, à travers la Camargue. Cependant sa détermination ne faiblissait pas. Si grand que fût son effroi devant la vérité, son désir de la connaître demeurait implacable et il se disait âprement :

— Je saurai. Ce que Zoris ne m’a pas révélé, Irène Karef le sait, elle. Il n’est pas possible qu’elle ne le sache pas, puisqu’elle agissait contre mon père et contre moi. Donc, elle parlera… Coûte que coûte, elle parlera.

Le Castor ramena le docteur, lequel ne devait s’en aller que plus tard, après le dîner.

Du temps s’écoula. Vers huit heures et demie, Solari et son camarade amenèrent et chargèrent une partie des bagages d’Irène.

Stéphane avait eu jusqu’ici l’intention de marcher à la rencontre d’Irène, mais les circonstances se présentèrent autrement. Irène arriva et resta seule sur le pont, tandis que les deux hommes retournaient au château pour rapporter les autres colis.

La nuit était épaisse. Irène alluma une cigarette.

Il lui sembla qu’elle entendait du bruit. Elle écouta, inquiète, tournée vers la péniche où l’on apercevait de la lumière. Mais Stéphane en avait fait le tour, et abordait le Castor par l’arrière. Soudain il surgit de l’ombre.

Elle lui dit, d’une voix qui ne tremblait pas :

— Ah ! c’est vous, Stéphane ?

— C’est moi, prononça-t-il. Nous avons à parler.

— Vous croyez ?

— Je crois que quelques minutes de conversation sont nécessaires entre nous.

Elle riposta :

— Non. J’ai l’intention de vous écrire. On s’explique mieux dans une lettre qu’en tête à tête.

— Ce n’est pas mon avis. Voilà une heure que je vous guette.

— Vous n’aviez qu’à venir au château.

— Je voulais être seul avec vous. L’occasion se présente. J’en profite.

— Qu’avez-vous à me dire ?

— Suivez-moi.

L’ordre était formel. Elle comprit que le duel qui se préparait entre eux depuis des mois allait avoir lieu. Rien ne pouvait plus le retarder.

Il n’y avait personne autour d’eux. Cependant, elle ne faiblit pas,