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l’image de la femme nue

l’un de l’autre, et si près par les circonstances mystérieuses et par leur émotion. À la fin, elle se leva et s’approcha, indécise encore, puis repartit, marcha dans la pièce, s’asseyant et se relevant.

— Pourquoi ne venez-vous pas à côté de moi ? dit-il,

Elle y vint, resta debout en face de lui, et chuchota, les yeux sincères, avec un doux sourire :

— Je suis comme vous… troublée, moi aussi.

C’était charmant de confiance cet aveu imprévu. Stéphane lui demanda :

— Pourquoi êtes-vous troublée, Nausicaa ?

Elle hésita et soupira :

— Comme c’est grave de montrer le fond de soi !

— Moins grave que de montrer ses bras et ses jambes.

— Oh ! bien davantage, dit-elle. Je n’ai pas plus de pudeur pour mes bras et mes jambes que pour ma figure. Mais mon âme !… ma vie intime ! Et cependant, je suis sur le point de vous dire… ce que je ne sais pas moi-même.

— Ce que vous ne savez pas ?

— Non… ou bien alors je n’ose pas parler. C’est si déconcertant ! J’y pense depuis l’instant même de notre rencontre.

— Parlez, Nausicaa.

Elle obéit, et, en phrases brèves, toute songeuse, elle chercha à dégager pour lui, et plus encore pour elle, semblait-il, le secret de sa pensée qui balbutiait.

— Je suis troublée parce que vous êtes arrivé dans ma vie tout à coup, et que, au bout de si peu de temps, nous sommes là, tous les deux, enfermés. Je suis troublée parce que je devine votre désir… et parce que je sens le mien.

Elle baissa la voix :

— Et, parce que, si je suis sûre de résister à votre désir… je ne crois pas… je ne crois pas que je veuille résister au mien… Vous voyez combien c’est grave de se dévoiler tout entière !

Puis, vivement, elle reprit :

— Oh ! je vous en supplie, ne me jugez pas encore ! Ne prenez pas de moi une idée quelconque ! Évidemment, on vous a parlé de la Dame de la Camargue, avec mépris, peut-être… Quelque coureuse de dunes, bizarre, fantasque, pas très farouche à l’occasion. Oui, oui, je sais… Eh bien, oubliez tout cela. Ce que j’ai à vous dire sur moi, c’est autre chose. Écoutez, dans ce pays on est impressionnable, superstitieux. Je ne suis pas superstitieuse, mais, comme tout le monde à l’entour, les présages et les prédictions m’impressionnent. Or, une vieille Bohémienne m’a dit,