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Page:Leblanc - L’Image de la femme nue, 1934.djvu/68

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maurice leblanc

partir, non sans quelque regret lorsqu’elle lui dit vivement :

— Ne remuez pas… Silence…

On entendait des pas et une voix appela :

— Élianthe !… Tu es par ici ?… Où donc es-tu, Élianthe !

Elle murmura :

— C’est Irène qui me cherche… Ne répondez pas… je vous en prie.

Elle paraissait très agitée, et sa main, qui se crispait à la main de Stéphane, l’attirait en arrière, jusqu’à la roche qui bombait au-dessus d’eux et elle disait avec inquiétude :

— Il ne faut pas qu’elle nous voie… C’est une créature ombrageuse… Son amitié est exigeante.

Irène Karef continuait d’appeler, d’une voix qui s’irritait. Elle devait être sur la roche même et n’aurait eu qu’à se pencher pour les voir tous deux blottis au-dessous d’elle. Mais elle dut perdre patience et s’en aller.

— Elle est partie… elle est partie… chuchota Élianthe… Je crois entendre son pas !… Dans une minute ou deux je pourrai vous quitter.

Une nouvelle alerte la rejeta vers son compagnon. Elle prêta l’oreille. Elle s’était trompée. Cependant elle ne bougeait pas, retenue par une langueur dont elle ne s’était pas défiée en se serrant à demi nue contre Stéphane, et, bien qu’elle cherchât à s’éloigner, elle n’en avait plus la force. L’épaule de Stéphane effleurait sa chair, et il murmura :

— Élianthe…

Elle se cabra, et ils se séparèrent brusquement, révoltés tous les deux. L’image de Véronique surgissait. En vérité, jusqu’ici, ils n’avaient pas eu, au plus secret d’eux-mêmes, la moindre arrière-pensée, et ni l’un ni l’autre n’acceptaient de succomber à cette tentation imprévue. Ils étaient effarés. Élianthe riait nerveusement, et se cachait la poitrine de ses deux bras croisés.

— Allez-vous-en, je vous en prie… ou plutôt non… je vais retourner à la mer… Aidez-moi… voulez-vous ?…

Elle se débattait encore avec son maillot. Stéphane eut le tort d’accourir à son appel. Quand il eut touché son dos et sa gorge, et qu’il vit, si près de lui, ce visage crispé de désir, il saisit la bouche qui s’offrait et ils s’embrassèrent éperdument, pressés l’un contre l’autre, enlacés comme s’ils ne faisaient déjà plus qu’un. La jeune femme soupirait d’aise et ses jambes fléchissaient et le maillot déchiré, arraché par tant d’efforts communs, coula complaisamment jusqu’aux pieds. C’était fini.

Par malheur, une ombre se profila tout à coup devant la grotte. Ils la reconnurent en même temps. C’était Irène qui revenait. Élianthe se détacha, bondit vers la petite plage et plongea aussitôt dans l’eau avec le rire effarouché d’une naïade surprise.