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X

Le socle dans la clairière.

Irène Karef, le peignoir au bras, demeurait stupide, comme frappée de démence devant un monstrueux spectacle. Son pâle visage s’était décomposé et devenait couleur de cendre. Considérant d’un œil hagard la pente de sable où la faute s’était sans doute commise, elle eut une sorte de crise nerveuse qui la faisait trembler des pieds à la tête.

Cependant elle ne dit pas un mot et elle recouvra assez d’énergie pour s’éloigner. Stéphane, qui regardait Élianthe nager, les épaules hors de l’eau, saisit le bras d’Irène et ordonna d’un ton impérieux :

— Restez là. Vous la recevrez quand elle sortira. Et puis, nous avons à parler.

Elle voulut passer outre. Exaspéré contre elle, il la brusqua.

— Je vous répète que nous avons à parler. Certaines choses doivent être éclaircies entre nous.

Elle attendit. Vêtue d’un pantalon de toile bleue, et d’un maillot rouge que marquaient deux petits seins très séparés, elle semblait toute frêle. La figure âpre était durcie de haine et résolue au silence.

Stéphane, qui ne lui avait pas lâché le bras, prononça avec irritation :

— Pourquoi m’avez-vous appelé à l’Arche-d’Ormet ? et pourquoi m’avez-vous envoyé Véronique ? Pour m’obliger à venir ici, n’est-ce pas ?

D’un mouvement de tête, elle fit signe que oui.

— Pourquoi ? Pourquoi ? s’écria-t-il. Pour quelle œuvre mauvaise et incompréhensible ? Et quel piège avez-vous tendu à mon père, l’an dernier ? Car c’est bien vous qu’il a rencontrée là-bas, près de l’Arche ? Que lui avez-vous dit ? Répondez donc !

Elle se tut, le regardant d’un air de défi.

Il articula sourdement.

— Répondez ! Que savez-vous, à propos de la statue ? Quel rôle jouez-vous dans cette histoire ?

Toutes ces questions, qui résumaient la besogne inexplicable accomplie par elle, la détendirent peu à peu, comme si elle eût envisagé, d’un seul coup, ce qu’elles comportaient pour Stéphane de mystère angoissant.

Elle dit, tout bas, d’une voix lente :

— Mon rôle ? celui de quelqu’un qui veut se venger.