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minutes plus tard, elle débouchait, sa valise à la main.

Sans un mot, ils filèrent par Bougival et Malmaison. À Neuilly, il lui demanda :

— Où dois-je vous déposer ?

— Porte Maillot.

— Comme adresse, c’est vague, ricana-t-il. Vous vous défiez toujours de moi ?

— Oui.

— Stupidité ! Tous nos embêtements viennent de votre défiance, à tous. Et à quoi bon ? Croyez-vous que ça m’a empêché de déjeuner hier, en même temps que vous, à Caen, à l’hôtel où vous étiez descendue, et d’assister au cambriolage de Félicien dans la maison de Dugrival ? Et croyez-vous que ça m’empêchera de réussir auprès de vous, Faustine, et d’obtenir de vous ce que je n’ai jamais cessé de vouloir ? Adieu, chérie.

Raoul se réfugia dans une de ses retraites de Paris, au Ranelagh, et, après avoir déjeuné, y dormit toute la journée et toute la nuit.

Le lendemain, il se rendait à la préfecture et faisait passer sa carte à M. Rousselain, juge d’instruction.

On était à mercredi 15 septembre.

Rolande et Jérôme devaient s’épouser le samedi suivant.


V

Mariage ?


Bien que quelques minutes se fusent écoulées lorsqu’il fut introduit dans le cabinet du juge d’instruction. Raoul discerna encore les traces de l’étonnement que causait sa visite à M. Rousselain. Se pouvait-il que, de lui-même, M. d’Averny s’offrît aux périls qui le menaçaient ? Le juge n’en revenait pas.

Raoul lui tendit la main. Interloqué, M. Rousselain la lui serra.

— C’est ce qu’on appelle, dit Raoul en riant, la main forcée.

Et comme l’autre souriait, il plaisanta :

— C’est un peu d’ailleurs la dominante de notre aventure. On veut vous forcer la main une fois encore contre Félicien Charles. Aujourd’hui on veut en outre vous la forcer contre moi.

— Contre vous ? articula M. Rousselain.

— Dame ! J’ai entendu dire que maître Goussot avait en poche un mandat qui me concernait.

— Une convocation tout au plus.

— C’est encore trop, monsieur le juge d’instruction. Avec moi, il vous suffit de me téléphoner : « Cher monsieur. J’ai besoin de vos lumières. » Et j’accours. Donc, me voici. Et alors, en quoi puis-je vous servir ?

M. Rousselain reprenait son aplomb, amusé par ce diable d’homme qui, en quelques mots, rétablissait sa situation de collaborateur. Résultat : M. Rousselain congédia son greffier en le priant de passer à la police judiciaire pour qu’on lui envoyât sans retard la personne qu’il venait de demander. Puis il répliqua, d’un ton allègre :

— En quoi vous pouvez me servir ? Mon Dieu, en me disant ce que vous savez.

— Je vous le dirai en partie aujourd’hui, et surtout samedi ou dimanche. D’ici là, qu’on me laisse travailler à ma guise.

— Voilà, bientôt deux mois que vous travaillez à votre guise, monsieur d’Averny, que vous manipulez les événements, que vous faites emprisonner Félicien, ensuite vous le remplacez par Thomas Le Bouc… Cela ne vous suffit pas ?

— Non, accordez-moi trois jours de plus.