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Page:Leblanc - La Femme aux deux sourires, paru dans Le Journal, 1932.djvu/29

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— Quand Gorgeret a failli mettre la main sur toi, tantôt, tu n’étais pas si émue. Allons redresse-toi, Antonine ou Clara. Si je t’ai tirée deux fois cet après-midi des griffes de la police, c’est que je ne suis pas ton ennemi… Un sourire, jolie blonde… il est si enivrant, ton sourire !…

Une crise de faiblesse la déprimait. Des larmes coulaient sur ses joues pâles, et elle n’avait plus la force de repousser Raoul qui lui avait repris les mains et les caressait avec une douceur amicale dont la jeune femme ne pouvait pas s’effaroucher.

— Calme-toi, Antonine… Oui, Antonine… j’aime mieux ce nom-là. Si tu as été Clara pour le grand Paul, pour moi, reste celle que j’ai vue arriver sous le nom d’Antonine et sous son aspect de petite provinciale. Combien je te préfère ainsi ! Mais ne pleure pas… tout s’arrangera ! Le grand Paul te persécute, sans doute, n’est-ce pas ? et te recherche ?… et tu as peur ? N’aie pas peur… je suis là… Seulement il faut tout me raconter…

Elle murmura, toute défaillante :

— Je n’ai rien à raconter… je ne peux rien raconter…

— Parle, ma petite…

— Non… je ne vous connais pas.

— Tu ne me connais pas, et cependant tu as confiance en moi, avoue-le.

— Peut-être… Je ne sais pas pourquoi… Il me semble…

— Il te semble que je puis te protéger, n’est-ce pas ? te faire du bien ? Mais pour cela il faudrait m’aider. Comment as-tu connu le grand Paul ? Pourquoi es-tu ici ? Pourquoi as-tu cherché ce portrait ?

Elle dit d’une voix très basse :

— Je vous en supplie, ne m’interrogez pas… Un jour ou l’autre, je vous dirai.

— Mais c’est tout de suite qu’il faut parler… Un jour perdu… une heure… c’est beaucoup.

Il continuait à la caresser sans qu’elle y prît garde. Cependant, com-