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Page:Leblanc - La Machine à courage, 1947.pdf/130

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LA MACHINE À COURAGE

jusqu’à mon illusionnisme et pendant longtemps je boxai avec des ombres.

Je commençai ma campagne par le théâtre des Champs-Élysées ― cadre idéal ― que mon ami Hébertot dirigeait. J’allai le trouver et lui exposai mon projet. Hébertot travaillait, il se déplia nonchalamment et sourit au complet devant mon enthousiasme. Il commença par approuver, ensuite vint la procession des « mais » ― les habitudes… le quartier… etc, et surtout… mon projet était un peu grand… un peu grand. C’était pourtant simple. Il s’agissait tout bonnement de réunir les deux continents : six mois de concerts internationaux ― un mois tout entier consacré aux nouveautés créées dans la saison de New-York par l’admirable société du « Guild » ; un autre mois consacré à Philadelphia Orchestra ; chaque semaine une conférence sur l’art et les poètes nouveaux nés ; ensuite six mois d’un théâtre d’art également international. Je rêvais de monter du très moderne français, puis Dostoïewski, de l’Archibatcheff et des jeunes russes. Je voulais tenter un Macbeth en smoking J’aurais représenté Les Exilés de James Joyce, des Allemands, des Irlandais, etc.

« La réussite ne fera pas la traversée », conclut Hébertot, « c’est trop grand, trop grand ». Bref, notre terre commune, la Normandie, nous offrit un sujet de conversation moins vaste.

Je cornai mon plan à travers tous les théâtres de Paris. « Un peu grand » était la conclusion inévitable et les lamentations s’écoulaient : « Pas d’auteurs, pas d’élite, pas de public ».

J’abordai des théâtres plus petits, je réduisis encore mes projets, mais partout des craintes, des restrictions. Les gratte-ciel de mon imagination dégringolaient à vue d’œil. J’allai voir Astruc et proposai une série de concerts spéciaux. L’idée lui plut, mais j’avais quitté la France juste après la guerre, dix années d’absence au total ; le relancement s’imposait… un bref calcul sur papier et Astruc redressa son intelligent visage de héron. Il demandait cent mille francs de publicité.


À la fin de mes recherches, je m’aperçus que le printemps de Paris et toutes ses grâces étaient arrivés. Pour la première fois je les vis comme de merveilleux fonds de tableau. De tous