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LA MACHINE À COURAGE

vai que c’était peu de chose ― interdiction du passage pour les soirées, palissades contre la curiosité des piétons… J’avais perdu le sens des obstacles, mon état mental était inquiétant ― j’allai jusqu’à mettre au service de mon imagination certains jardins de ministères…

À ce moment critique nous découvrîmes la merveille désirée ― le toit d’un immense garage pour mille automobiles nous offrait une étendue riche d’air et d’horizon. Le propriétaire, un homme d’affaires ― barbe, ventre et regard importants ― acquiesçait en principe. J’expliquai le projet ― club, théâtre, salle de musique, jardins, bassin et jet d’eau. Pour conquérir tout à fait Monsieur D… je parlai de cinéma et de salon de jeu. Il trouva l’idée très viable.

Nous commençâmes les plans, Prampolini et moi. Un architecte imaginatif nous tomba du ciel qui était proche. Ce furent des mois épiques. Un deuxième printemps était né pendant nos recherches. Nous le passâmes sur le toit qui dominait la ville. Là je possédais Paris comme j’avais possédé New-York avec Margaret et Allen dans les nuits sur notre toit de la 73e rue.

Chaque jour, pris en sandwich entre le soleil et son reflet sur le sol du tort, nous nous installions par terre et nos plans grandissaient. Ils furent terminés à l’automne. Nous avions travaillé de longs mois sans souci du capital. Il était important et j’avoue que pour le découvrir nous fûmes sans ardeur. Notre imagination était repue.

Plusieurs hommes d’affaires furent consultés en vain, et peu de temps après l’affaire et moi étions vaincues par le bon sens.

Le gros propriétaire, son garage et ses mille voitures, l’architecte et nos plans se volatilisèrent en un instant. Prampolini partit pour l’Italie. J’allai donner en Belgique des conférences-concerts. À Paris je créai des matinées que j’appelai « Concerts Express » — brefs, souvent recommencés, comme des cinés documentaires. Je donnai ensuite un grand concert Salle Gaveau, fait des chefs d’œuvre de toutes les époques, « De Bach au Jazz ». Mais je n’avais pas d’argent pour continuer mes entreprises.