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Page:Leblanc - La Machine à courage, 1947.pdf/141

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BERNARD GRASSET : UNE PRÉFACE

notre somptueux secret ― secret qui dépend de l’enjeu et de la totalité de nos risques.

Formée par les songes et leur langage, quelle combinaison aide l’artiste à se créer, dans le monde-matière, la vie supernormale qui est son oxygène ? Pas de substitution ni de fausse optique, comme on le croit. Seulement une disposition naturelle ― acquiescement à un soleil que la terre ne peut lui dérober.

Malgré l’imprécision des songes et la grâce qui en descendent, j’avais eu besoin de donner une certaine forme à ma vie secrète, je l’aimais assez largement pour ne pas la limiter tout à fait à ma personnalité et à ses troubles ; j’avais essayé de la construire, de la ciseler, comme un objet et selon mes conceptions.

Cela m’indiquait la nature exacte du choc que j’avais reçu en lisant la préface de Grasset. Le vrai conflit entre lui et moi était plus loin que ses pages, il était dans la qualité de l’être qui les avait écrites. Indifférentes ou élogieuses, elles auraient toujours porté sa marque, son conditionnement, et les tendances personnelles d’un homme fait pour les « week-ends amours ». Il y a du coq dans l’opinion de Grasset quand il déclare que le couple en question n’était pas apte à l’amour. Je n’ai aucun mépris pour ce robuste volatile, mais il n’a jamais symbolisé à lui seul le divin amour auquel l’homme puisse atteindre.

C’est de l’horreur que j’éprouve pour la vulgarité d’âme qui transparaît sous les grandes phrases de cette préface. Que m’importe son fatras littéraire et que pour mieux me desservir elle ose me démentir. Ce qui me révolte c’est l’atmosphère basse de ces pages. Que les récits de ma vie s’y trouvent associés m’impose une gêne qui va jusqu’à la répugnance.


L’histoire de cette préface est longue. J’en exposerai les principaux faits brièvement. Un fait est ennuyeux quand il n’est pas exaltant. Ici, il est laid et terriblement normal.