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BERNARD GRASSET : UNE PRÉFACE

XVI, et je comprenais qu’il me distinguait mal à travers le brouillard de son importance. Il partageait l’opinion de mon éditeur parce qu’ils ont tous deux la même ampleur commerciale, l’un avec son bruit, l’autre avec sa maison d’édition.

Je partais quand il m’arrêta d’un grand geste — coup de théâtre indispensable au prétoire.

« ― Madame, je dois vous dire que le livre est achevé d’imprimer depuis hier. Quant à la préface… la voici. »

Il prit sur son bureau des épreuves décorées d’une longue dédicace… au grand Maître… avec les grands remerciements de l’éditeur…

C’est ainsi que j’appris par Moro-Giafferi la publication de mon livre.

La dernière page indique : Achevé d’imprimer le 3 mars 1931. Le jour même où Grasset m’invitait à prendre connaissance de ses pages. Pour empêcher la vente j’engageai la lutte à coups de papier timbré. Grasset riposta par des comptes : les frais d’édition et trente mille francs de dommages-intérêts. De plus il déclarait garder mon manuscrit et publier tout de suite son Introduction en plaquette.

Je m’informai de la loi. Ma position était mauvaise ― j’avais signé le « bon à tirer », assurée par Grasset qu’il s’agissait seulement du livre, non de la préface. On me posait toujours les mêmes questions :

« ― Aviez-vous autorisé que votre livre soit préfacé ? »

« ― Oui. »

« ― Aviez-vous stipulé que la préface entière devait vous être soumise avant la publication ? »

« ― Oui. »

« ― Par écrit ? »

« ― Non… Je ne pouvais pas douter… »

« ― Alors, rien à faire ».


Ma révolte se soulevait jusqu’à faire trembler ma vie… et toute ma raison y collaborait. C’était l’horreur de voir dégrader ce que j’avais vu grand. À chaque instant, seule, dans ma chambre, je rougissais.

Tous les poètes ont exprimé leur amour. Voilé ou non,