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Page:Leblanc - La Machine à courage, 1947.pdf/160

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LA MACHINE À COURAGE

Cette nuit, un moment de panique. Tout à coup une émotion qui coupe en deux, sépare le corps du haut en bas. Une idée-foudre est entrée avec la vision de l’irréparable. Une souffrance déchirante. En même temps, le refus organique de croire à la fin. Je suis bouclier devant elle, solide comme le fer, je ne veux pas l’admettre. Je ne sais rien et chaque pore de ma peau m’apprend l’horreur que je ne sais pas. Je me rappelle toutes les fois que j’ai souffert. Maintenant tous les morceaux de malheurs sont cousus ensemble, c’est l’addition. Dans un grand effort j’ai étendu le bras pour tirer un mouchoir sur les heures lumineuses de ma pendule, mais lucidement, je sais l’heure quand même. Elle est celle qui devait arriver. Celle qui fait ombre derrière les plus heureuses. Celle qui attend son heure. Celle de la vie. L’heure qui finit est la seule qui compte.

Chaque minute contient une existence entière. C’est une armée en mouvement qui marche sur moi. Elle arrive.



… Pour moi, se confirme un système, ou méthode, ou simplement « moyen » de connaître, de développer notre mécanisme physique, psychique et mental. Méthode qui laisse toute liberté à croyances, religions et mode de vie. Elle ne s’adresse qu’au phénomène qui est vivre, et que nous ignorons tous. Seuls les prophètes ont su ce que c’était. Ils ont connu leur vie, la vie et vivre. Nous serions parfaits, tels des arbres humains, si le savoir arrivait jusqu’au bout de nos branches. Mais, dans sa sphère, l’arbre se conduit mieux que nous.


Entre ma vie et ma mort, il y aurait pour moi toute la différence, mais en fait aucune différence. Et c’est la même chose pour les « grands du monde » qui ne sont grands que pour le monde. Ils n’apportent pas leur contribution au potentiel de l’Univers.

Si je dois guérir, je jure d’aller plus loin qu’avant. Ce serment paraît enfantin. C’est la seule chose grave, la seule qui compte.