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Page:Leblanc - La Machine à courage, 1947.pdf/163

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LUTTE AVEC LA MORT

MALADIE

Mon corps s’en est allé
de l’autre côté de la rue
dans le bureau de postes des Saints Pères.
Simplement, il est entré.
En hommage pour la magie des lettres divines
qui sans cesse viennent
(poésie, douceur, prévoyance)
je tenais par un anneau le grand lustre de Venise
qui dort dans un coin d’une chambre familiale.
Je l’accrochai au-dessus des employés
dont les crânes luisaient
et qui devinrent des grape-fruits miraculeux.

Le lustre fut souple, long, flexible
comme les saules qui se balancent
sur les tombes d’Agathe ou d’Amélie.
Et tout à coup il s’est mis à tourner,
envoyant sur moi, de l’autre côté de la rue,
ses pétales précieux dont chacun renfermaient
une savante inscription.

Le lendemain, c’était déjà l’été.
Le lustre portait des fleurs épanouies ―
lettres, promesses réalisées au printemps.
La bénédiction dura plusieurs jours,
toujours des pétales tournaient
sur les autobus et les gens qui passaient.

Le plein été du lustre dura plusieurs jours,
mais tout sombra dans la nuit.

Seigneur, je ne savais pas
qu’il était si facile de mourir.
Pourquoi ne m’avoir pas accordé
votre haute collaboration ?