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LA MACHINE À COURAGE

monde. Je critiquai même le dîner. On me trouva très spirituelle.

Soyez direct, intransigeant, vital, servez votre esprit (ou votre bêtise) en comprimés. L’esprit y gagnera et la bêtise aussi.

Le snobisme est à mon sens leur seule tare.

Le caractère américain est aussi extraordinaire que le pays en regard de la traditionnelle hypocrisie européenne. J’ai été ahurie la première fois que j’ai vu une de mes amies ouvrir la porte à une visiteuse et répondre simplement : « — Excusez moi, je ne suis pas là aujourd’hui. » J’ai trouvé cette scène d’un comique très estimable.

Quand une femme française reçoit un compliment, elle murmure une protestation. En Amérique, la femme complimentée répond par le plus énergique des « Thank you ». Elles ne peuvent douter d’une vérité agréable puisqu’elles disent si honnêtement les vérités désagréables. À cause de cette vertu innée chez les Américains, surtout chez les femmes — la timidité rend presque tous les hommes consternés — j’ai toujours trouvé aux États-Unis une liberté extrême et insolite.

L’idée puritaine est parquée dans les questions de mœurs. Elle gêne les « suiveurs » qui doivent payer une amende quand un policeman les prend en flagrant délit ; elle confond les unions illégitimes, elle accable le pauvre jeune homme qui ne trouve pas d’issue entre la vierge et la femme mariée ; elle peut même retarder outrageusement la publication d’un James Joyce ; mais tout cela n’arrive pas tous les jours, tandis que l’on respire à chaque seconde l’air de la race — air féminin, d’une excitante honnêteté.


Dans une réception, une jeune fille m’empoigna par les épaules :

« — Je suis Marjorie Cawb, je vous connais très bien. Je suis une admiratrice. » Rouge de cheveux et rouge de visage, sa peau émergeait d’une gaine de satin blanc, mal coupée,