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LA MACHINE À COURAGE

Le premier avocat consulté avec Allen m’avait répondu en riant :

« — Vous libérer ? je me garderais bien de vous rendre un aussi mauvais service. Prenez la fortune que l’on vous offre et tout ira bien ».


Malgré tout, j’ai trois raisons graves pour ne pas partir : rester pour débuter, rester pour recommencer ma vie, rester pour ne pas rentrer dans le noir.


Je pense souvent — et c’est comme un refrain dans ma tête « Je suis venue pour avoir une autre vie que là-bas ; une autre, faite d’activité et du travail que j’aime, une autre, pour voir s’éloigner le passé, et voilà qu’un bizarre problème me fut posé et que je le vis difficilement pour satisfaire ma conscience. Mais qui sait s’il ne vaut pas mieux vivre tant de misères que d’avoir des succès au théâtre, qui sait si cela ne m’apprend pas beaucoup plus, qui sait si je ne suis pas heureuse de vivre tant de malheurs au seul bénéfice d’un principe que je trouve juste. L’important est de se sentir exister et la faim me fait sentir sans cesse mon existence.


Nous cachons la pire vérité à Margaret. Elle n’a pas même toujours son café du matin. Quelques mécènes comme Otto Kahn aident parfois sa revue, mais elle ne garde rien pour elle. Allen vit aussi sans argent. Ils sont tous deux des machines à courage.


Grâce à mes amis j’ai parfois des heures de détente. Quand on reçoit deux sous en Amérique on fait une fête. On se rassemble autour d’une table où une seule fleur trône. Des petits cadeaux