J’y arrivai bien triste, bien désemparée, mais soutenue par l’importance que me donnait à moi-même la garde d’un secret. C’était un dimanche. Je cherchai un endroit isolé et je vins ici, sur cette terrasse, pour exécuter un projet que ma cervelle d’enfant avait conçu. Je savais par cœur les indications laissées par ma mère. Dès lors, à quoi bon conserver un document que tout l’univers, me semblait-il, finirait par connaître si je le conservais. Je le brûlai dans ce vase. »
Raoul hocha la tête :
— Et vous avez oublié les indications ?…
— Oui, dit-elle. Au jour le jour, sans que je m’en aperçoive, parmi les affections que j’ai trouvées ici, dans le travail et dans les plaisirs, elles se sont effacées de ma mémoire. J’ai oublié le nom du pays, son emplacement, le chemin de fer qui y mène, les actes que je devrais accomplir… tout.
— Absolument tout ?
— Tout, sauf quelques paysages et quelques impressions qui avaient frappé plus vivement que les autres mes yeux et mes oreilles de petite fille… des images que je n’ai jamais cessé de voir depuis… des bruits, des sons de cloches que j’entends encore comme si ces cloches ne s’arrêtaient pas de sonner.
— Et ce sont ces impressions, ces images, que vos ennemis voudraient connaître, espérant, avec votre récit, parvenir à la vérité ?
— Oui.
— Mais comment savaient-ils ?…