— Parce que ma mère avait commis l’imprudence de ne pas détruire certaines lettres où mon grand-père d’Asteux faisait allusion au secret qui m’était confié. Brégeac, qui recueillit ces lettres plus tard, ne m’en parla jamais durant mes dix années de Sainte-Marie, dix belles années qui seront les meilleures de ma vie. Mais le jour même où je retournai à Paris, il y a deux ans, il m’interrogeait. Je lui dis ce que je vous ai dit, comme j’en avais le droit, mais ne voulus révéler aucun des vagues souvenirs qui auraient pu le mettre sur la voie. Dès lors ce furent une persécution constante, des reproches, des querelles, des fureurs terribles… jusqu’au moment où je résolus de m’enfuir.
— Seule ?
Elle rougit.
— Non, fit-elle, mais pas dans les conditions que vous pourriez croire. Guillaume Ancivel me faisait la cour, avec beaucoup de discrétion, et comme quelqu’un qui veut se rendre utile et qui n’a aucun espoir d’en être récompensé. Il gagna ainsi, sinon ma sympathie, du moins ma confiance, et j’eus le grand tort de lui raconter mes projets de fuite.
— Il vous approuva sans aucun doute ?
— Il m’approuva de toutes ses forces, m’aida dans mes préparatifs, et vendit quelques bijoux et des titres que je tenais de ma mère. La veille de mon départ, et comme je ne savais où me réfugier, Guillaume me dit : « J’arrive de Nice et je dois y retourner demain. Voulez-vous que