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Page:Leblanc - La demoiselle aux yeux verts, paru dans Le Journal, du 8 déc 1926 au 18 jan 1927.djvu/143

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j’avise ? Rodolphe, ravisseur infâme et déloyal policier, qui plonge dans le vallon à la suite de sa proie. Sur quoi, je tombe du ciel, je t’offre un bain de pieds à la vase, j’entraîne Aurélie, et vogue la galère ? L’étang, la forêt, les grottes, c’était la liberté. Patatras ! voilà que tu siffles, et deux escogriffes se dressent à l’appel. Que faire ? Problème insoluble s’il en fut ! Non, une idée géniale… Si je me faisais avaler par le gouffre ? Justement un browning me crache sa mitraille. Je lâche mes avirons. Je fais le mort au fond du canot. J’explique la chose à Aurélie, et v’lan nous piquons une tête dans la bouche d’égout.

Raoul tapota la cuisse de Marescal.

— Non, je t’en prie, bon ami, ne t’émeus pas : nous ne courions aucun risque. Tous les gens du pays savent qu’en empruntant ce tunnel taillé en plein terrain calcaire, on est déposé deux cents mètres plus bas sur une petite plage de sable fin d’où l’on remonte par quelques marches confortables. Le dimanche, des douzaines de gosses font ainsi de la nage en traînant leur esquif au retour. Pas une égratignure à craindre. Et, de la sorte, nous avons pu assister de loin à ton effondrement, et te voir partir, la tête basse, alourdi de remords. Alors j’ai reconduit Aurélie dans le jardin du couvent. Son beau-père est venu la chercher en voiture pour prendre le train, tandis que moi j’allais quérir ma valise, j’achetais l’équipage et les frusques d’un paysan, et je m’éloignais, cahin caha, sans autre but que de couvrir la retraite d’Aurélie.

Raoul appuya sa tête sur l’épaule de Marescal et ferma les yeux.