Page:Leblanc - La frontière, paru dans l'Excelsior, 1910-1911.djvu/43

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vite… Ah ! une seconde… Il me semble… Écoute…

Morestal courut jusqu’aux fenêtres du jardin.

Il n’avait pas le dos tourné que Dourlowski se baissa subitement et attrapa dans la corbeille la feuille de papier froissée par Morestal. Il la cacha au creux de sa main et conclut à haute voix :

— N’en parlons plus, puisqu’il n’y a pas moyen. J’y renonce.

— C’est ça, fit Morestal, qui n’avait vu personne dans le jardin, renonces-y, tu as raison.

Il saisit Dourlowski par les épaules et le poussa vers la terrasse.

— File… et ne reviens pas… il n’y a plus rien à faire ici pour toi… absolument rien…

Il espérait se débarrasser du personnage sans qu’on l’eût vu, mais, comme il arrivait à la grille, il aperçut sa femme, son fils et Marthe qui montaient l’escalier, après avoir contourné les murs du Vieux-Moulin.

Dourlowski ôta son chapeau et se confondit en salutations. Puis, dès que le passage fut libre, il disparut.

Mme Morestal s’étonna :

— Comment ! tu reçois encore ce coquin de Dourlowski ?

— Oh ! un hasard…

— Tu as tort. Sait-on seulement d’où il vient et le métier qu’il pratique ?

— Il est colporteur.

— Espion plutôt, c’est le bruit qui court.

— Bah ! à la solde de quel pays ?

— Des deux peut-être. Victor croit bien l’avoir vu, l’autre dimanche, avec le commissaire allemand.

— Weisslicht ? Impossible. Il ne le connaît même pas.

— Je te dis ce qu’on dit. Quoi qu’il en soit, Morestal, fais attention à celui-là. Il porte malheur.

— Allons, allons, la mère, pas de mauvaises paroles. C’est un jour de joie, aujourd’hui. Tu viens, Philippe ?