Ted Drew et Chertek, entamant à haute voix une conversation sportive, s’en allèrent le long de la plage, vers les roches bordant la mer, au pied des falaises.
Il y avait deux heures à peine que Florence, en compagnie de Mme Travis et de Mary, était arrivée à Surfton, et déjà elle avait quitté ses vêtements d’auto pour les remplacer par un gracieux costume bleu marin qui seyait à merveille à sa beauté saine et vivante ; déjà elle avait parcouru du haut en bas leur élégante villa ; déjà elle était descendue sur la plage.
Maintenant, de retour à la villa, elle était venue s’asseoir dans une grande véranda Surplombant la plage. Avec délices, elle se laissait aller à une paresse heureuse. Elle se sentait ici redevenir ce qu’elle était avant ces quelques jours plus remplis d’aventures et d’émotions que toutes ses vingt années d’existence antérieure. Il lui semblait que l’étrange Florence qui s’était révélée en elle pour la pousser à tant d’actes coupables et extravagants n’était plus.
Soudain, un bruit de pas lui fit tourner la tête. C’était Yama qui lui apportait, de la part de sa mère, un journal de Surfton, où le bal du soir était annoncé.
Florence, machinalement, se mit à le parcourir. Un court article attira son attention.
Une nouvelle nous est parvenue, que nous croyons pouvoir, sous toutes réserves, annoncer à nos lecteurs. M. Ted Drew, le fils de l’illustre chimiste Amos Drew, dont la science américaine porte encore le deuil, serait, dit-on, en pourparlers avec les agents d’une puissance étrangère pour leur vendre le secret d’une terrible invention que son père a faite avant de mourir et qui serait de nature à assurer, dans une guerre, une supériorité écrasante aux armées qui en feraient usage.
Sans vouloir apprécier la conduite de M. Ted Drew, il nous est permis de regretter qu’une invention américaine puisse, le cas échéant, servir d’arme contre l’Amérique.
Florence relut une fois encore l’entrefilet et resta songeuse.
Puis ses idées changèrent de cours, se reportèrent sur les aventures de la veille : elle tressaillit en se souvenant du paquet qu’elle avait dissimulé au fond de la grande malle, et qui contenait le manteau noir et les habits masculins de M. Osborne, tailleur pour dames. Florence se dit qu’il importait qu’elle se débarrassât au plus tôt de ces objets compromettants. Immédiatement elle se leva, rentra dans la maison et regagna sa chambre.
Mary s’y trouvait occupée à ranger dans les armoires les robes de la jeune fille.
Celle-ci eut un sourire en songeant qu’elle était arrivée à temps. Elle se dirigea vers sa grande malle et, écartant divers objets, atteignit le paquet ficelé qu’elle y avait placé avant de partir de Blanc-Castel.