Page:Leblanc - Le Cercle rouge, paru dans Le Journal, 1916-1917.djvu/92

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Je n’ai pas d’avis sur ce sujet, dit Allen, et je n’ai pas à en avoir. Quand j’ai eu à arrêter Jim Barden pour des actes criminels commis par lui, je l’ai arrêté, voilà tout. Le reste regarde la justice et la médecine. Mais, responsable ou non, je n’aurais jamais relâché un être aussi dangereux. Comme on guérit le corps humain en faisant l’ablation des organes qui sont malades, on doit guérir la société en supprimant ses membres gangrenés qui la mettent en péril. Et on peut comparer le bourreau à un médecin.

— Hein ! dit Lamar avec un soubresaut.

— J’ai lu cela hier dans un article très bien fait, continua l’imperturbable Allen. On disait, d’après un historien, que c’était la théorie du dernier descendant d’une famille de bourreaux fameux dont j’ai oublié le nom. Et comme on objectait à cet exécuteur qu’il y avait tout de même entre les deux professions une certaine différence, il répondit :

« Oui, dans la dimension du couteau. »

— Ces anecdotes historiques sont pleines d’intérêt, dit Lamar agacé, mais cela nous éloigne du Cercle Rouge. Cette seconde fiche nous y ramènera peut être utilement.

— Qui est-ce ?

Randolph Allen prit la fiche.

— « Sam Eagan », dit Sam Smiling. Ah ! oui, il a connu Jim Barden.

— Justement, il l’a connu mieux que personne. J’ai l’intention d’aller voir Smiling demain, et peut-être pourra-t-il me fournir quelques renseignements intéressants.

— C est un individu louche, ce Sam, dit Allen. Plusieurs de nos agents croient qu’il a joué la comédie quand il a réussi, après avoir été arrêté pour vol, à se faire passer pour kleptomane. Ils disent que cette fameuse bonhomie qui lui a valu son surnom[1] est tout simplement un masque qu’il se donne. Nous l’avons repris en surveillance depuis le vol de la bijouterie Clarke, où il pourrait bien avoir trempé.

— C’est le métier de vos agents de soupçonner et de surveiller, dit Lamar. J’ai vu Sam quand il était en prison, puis à l’asile, je n’ai jamais été très sûr qu’il fût vraiment responsable ; mais, en tout cas, il paraissait sincèrement repentant de ses fautes et je croyais que depuis sa libération, il y a un an, il menait une vie tranquille et travaillait régulièrement de son métier de ressemeleur de chaussures. C’est Mlle Travis — vous savez, la jeune fille que nous avons hier rencontrée dans le parc ? —

  1. Smiling (souriant)