Page:Leblanc - Le Chapelet rouge, paru dans Le Grand Écho du Nord, 1937.djvu/8

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— Non, monsieur le Comte, affirma Gustave.

Le comte l’observa, puis ordonna :

— C’est bien. Va-t-en.

Le garçon sortit. D’Orsacq poussa le battant, mais, la serrure fonctionnant mal, il disposa un fauteuil de façon que le placard parût fermé.

Ensuite, craignant de déranger sa femme, il repassa par les salons et le vestibule, monta l’escalier principal et gagna son appartement, lequel était contigu à celui de la comtesse d’Orsacq. Vers huit heures, il sortait de son cabinet de toilette, et, après avoir frappé, entrait dans la chambre de sa femme au moment où la cloche du château annonçait le dîner.

— Tu es prête, Lucienne ?

— Ce n’est que le premier coup qui sonne, dit-elle en achevant de se coiffer.

Il la regarda dans le miroir et lui dit :

— Tu es en beauté, ce soir.

Ce n’était pas vrai. Lucienne ne pouvait pas être en beauté, ce soir-là plus que les autres, parce qu’elle n’avait jamais l’air aimable, qu’elle portait des lunettes qui grossissaient inégalement ses yeux de myope, et que son visage, trop pâle et maladif, manquait totalement d’expression. Mais Jean d’Orsacq était de ces maris qui, ayant toujours à se faire pardonner, prennent l’habitude de traiter leur femme avec une courtoisie exagérée.

— Tu n’es pas trop fatiguée par la réception de tantôt ? demanda-t-il.

— Je suis toujours fatiguée, dit Lucienne.

— Tu prends tant de drogues !

— Il faut bien… pour me remonter.

— Est-ce pour te remonter que tu avales chaque soir un soporifique ?

— C’est un supplice que l’insomnie ! gémit-elle.

Il tourna un moment dans la pièce, cherchant un sujet de conversation, car il ne savait jamais quoi dire à sa femme. Si liés qu’ils fussent par les habitudes,