Page:Leblanc - Le Scandale du gazon bleu, 1936.djvu/103

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
101
LA COLOMBE APPRIVOISÉE

— Belle dame, je vous manquerais de respect si je m’en allais ! Du reste, j’ai des choses à vous dire. C’est pour cela que j’ai demandé à ce brave Antoine de m’indiquer votre loge.

— Vous saviez donc que je serais ici ? dit Isabella.

— Oui, par Antoine. Et Fancy ?

Elle a dû passer chez le costumier pour faire rectifier nos vêtements de plumes. Car nous jouons aujourd’hui le comte d’Andersen ; nous ne sommes plus des colombes, ce soir, mais des cygnes.

— J’aime mieux les Colombes, dit Patrice, et, pour moi, vous restez Colombe une. Comme j’aime mieux aussi votre costume actuel que n’importe quel vêtement de gaze ou de plume !

Isabella, qui commençait à oublier qu’elle était nue, voulut prendre une écharpe pour en couvrir au moins sa gorge magnifique. Patrice l’en empêcha.

— Non, je vous en prie… Vous êtes vous-même ainsi… Restez vous-même… Alors, vous voici hors des griffes de la Justice, vous et Fancy ?

— Oui. On n’a pas voulu retenir contre nous le délit… Comment appelez-vous ça ?

— Outrage public à la pudeur…, dit Patrice. C’est bien grossier quand cela s’applique à vous et à votre amie ! La Police en a commis un autre bien plus grave : Outrage public à la Beauté. Enfin, ils ont eu le bon esprit de renoncer…

— Mais, on nous a mises en prison, dit Isabella, une prison horrible. On a voulu nous mêler au meurtre de cette pauvre fille, c’était plus horrible encore ! Cette histoire nous a dégoûtées de Paris. Nous allons, dans deux ou trois jours, partir pour l’Égypte… Mais vous me disiez que vous aviez à me parler. Qu’est-ce donc ? Dites vite et laissez-moi. Je vais, dans un instant, être appelée en scène.

— Je ne me souviens plus de ce que je voulais vous raconter…

— Allez-vous-en, je vous en prie.

— Donnez-moi vos deux mains, et je pars, Colombe une.

Les deux mains formaient écran. Sans faire attention, elle les tendit, offrant toute sa chair splendide aux yeux convoiteurs de Patrice. Il se rapprocha, ébloui.