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LES MAINS AUTOUR DU COU

son doute, son angoisse de femme pure et honnête qui n’a jamais failli avant ce jour, qui craint maintenant d’avoir failli, et de la façon la plus vile, la plus grossière, la plus honteuse…

Ah ! quelle dévorante incertitude ! Comme elle cherche à se souvenir dans ses longues heures de solitude qui, des journées, font des mois, dans le silence des brèves nuits d’été qui lui semblent interminables dans leurs fiévreuses insomnies ! Mais elle ne peut rien se rappeler… Rien de net. Seulement des sensations confuses… Confuses ? Non, hélas, non, pas entièrement ! Dans le bouleversement de ces minutes atroces qu’elle essaye loyalement et vainement de reconstituer, un seul point demeure net, précis et s’impose despotiquement. C’est la sensation, c’est la conscience réelle et indiscutable d’une étreinte différente de la seule étreinte qu’elle eût jamais connue auparavant, un assaut plus violent, plus brutal, plus audacieux, plus fort… Et elle sait aussi, elle sait surtout, elle sait avec horreur, avec désespoir, avec une émotion frémissante, que, dès la seconde où elle a eu l’impression obscure que c’était un autre homme que son mari qui la possédait, en elle s’est déchaînée comme une rafale de volupté, comme un embrasement puissant et subit de tous ses sens, une joie charnelle éperdue et ignorée, qui l’a fait gémir de luxure consentante et dont elle a gardé dans sa chair le palpitant souvenir.

Et c’est là que réside le mal moral qui la ronge. C’est cet éclair fulgurant de sexualité déchaînée qui constitue sa faute, sa honte, et plus âpre parce que dans l’obscurité d’elle-même, elle en tressaille encore. Elle n’est plus la Dominique d’autrefois, elle ne peut le redevenir. Comment supporter cela, comment se consoler de cette flétrissure qu’elle n’arrive pas à détester ? Elle est seule, personne n’est capable de lui donner la force qui lui manque. À qui recourir ? Où se réfugier ?

Dominique, pour la millième fois, se débattait contre ses pensées quand Patrice entra dans sa chambre. Elle se dressa effarée, frissonnante.