Page:Leblanc - Une femme, 1893.djvu/105

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Agacée, Lucie reprit sa course. Son désir se précisait maintenant. Elle voulait que cet homme l’accostât et lui déclarât sa passion, dût-elle le rembarrer vertement. Elle ne voyait pas plus loin que ceci : des mots échangés, des mots nouveaux pour elle, amusants, flatteurs. Enfin, à la nuit tombante, elle échouait au jardin de Saint-Ouen.

Situé derrière l’église et la mairie, bordé de rues ouvrières, humide et triste avec ses arbres antiques et l’ombre énorme du monument, le square reste vide en semaine, peuplé de ses statues de bronze et d’une poignée de marmots en haillons.

Lucie enfila une avenue de marronniers terminée par une pente rapide. Mais, au lieu de descendre, elle revint brusquement sur ses pas, ralentit son allure et croisa le commis voyageur. Il dit d’une voix sourde :

— Bonjour, Madame.

Elle s’arrêta net.

— Vous avez à me parler, Monsieur ?

Il balbutia :

— Oui, je suis content d’avoir l’occasion… de me faire pardonner… vous savez… hier… l’ombrelle.

Elle s’exclama comme la veille :

— Bah ! j’en ai d’autres !

Et il redit :