Page:Leblanc - Une femme, 1893.djvu/12

La bibliothèque libre.
Aller à la navigation Aller à la recherche
Cette page a été validée par deux contributeurs.

une moue comique, les rêves ne se réalisent pas toujours ! Que de fois, en dix ans de désœuvrement, me suis-je dit : « Quand j’en aurai assez d’être célibataire, je chercherai une industrie quelconque dont le chef ait une fille, j’épouserai la fille et je ne paierai rien. » Et justement vous n’avez qu’un fils, je ne puis pourtant pas l’épouser !

On rit. Mais Mme Bouju-Gavart demanda d’une voix grave :

— Ils sont sérieux, vos projets de mariage ?

— Ah ! oui, j’en suis las de mon appartement de garçon et de la nourriture de restaurant, et du feu qui ne marche pas, et de la lampe qui s’éteint ! Une sœur mariée à Lisieux, voilà toute ma famille… j’en veux davantage…

Alors elle affirma :

— Eh bien travaillez, prouvez que vous êtes capable de diriger votre affaire, et je vous en dénicherai, moi, une femme.

Elle avait une voix très persuasive, un visage triste qui inspirait de la pitié, des yeux calmes qui donnaient confiance, et les restes d’une beauté et d’une taille célèbres.

Robert, convaincu, signa. Aussitôt elle se mit à l’étudier pour savoir ce qui lui convenait.

C’était un grand garçon mince, trop grand et trop mince, d’aspect dégingandé, de tournure peu élégante. Ses hautes jambes paraissaient