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Page:Leblanc - Une femme, 1893.djvu/120

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Le surlendemain, Lucie retirait de la poste restante une lettre d’Amédée. L’écriture était penchée, petite, régulière, composée des pleins et des déliés de rigueur, agrémentée d’enroulements et d’entortillements artistiques. Un parafe compliqué, enchevêtré, hérissé, savant, encadrait une signature irréprochable. Le papier portait comme en-tête :

Amédée Richard fils

Représentant de la maison Gouget,

Bellavoine frères et Rameau.

Elle lut :

« Mon adorée Lucie,

« Je viens d’enlever la fameuse affaire dont je t’ai entretenue, et tandis qu’on attelle Bichon, j’en profite pour t’assurer encore de mon amour éternel. Quel serrement de cœur, hier, au moment de l’adieu suprême ! À tour de bras j’ai fouetté mon cheval, qui n’en pouvait mais, le malheureux ! et nous avons galopé jusqu’au bois de la Valette, à en perdre le souffle. Alors j’ai sangloté comme un enfant. Hélas ! quand deux êtres s’aiment autant que nous, La destinée a-t-elle le droit de les séparer ! Oh ! ces affaires, quelle servitude !

« À Yvetot, j’ai passé une nuit très agitée. Le souvenir de ma Lucie me poursuivait, me