Page:Leblanc - Une femme, 1893.djvu/19

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Le temps était tiède. Les arbres avaient de jolis tons roux. Des voiles grises rasaient la Seine comme de grandes ailes d’oiseau. Au-delà, s’étalaient des prairies où des vaches remuaient. Des bois en masses sombres fermaient l’horizon.

Les jambes croisées, la tête appuyée au dossier de son fauteuil en jonc, Chalmin sentait le charme des couleurs et cet apaisement de la nature qu’augmentaient encore la coulée lente du fleuve et la petitesse des choses qui bougeaient.

Il épia Lucie. Elle rêvait, la figure inerte, se garantissant du soleil sous une ombrelle à carreaux écossais.

Elle était brune et de petite taille. Sa physionomie, un peu insignifiante au repos, avec son nez en l’air, sa bouche sans dessin précis, son regard sans éclat, prenait en souriant une certaine vivacité, due à la blancheur de ses dents et aux fossettes qui trouaient ses joues et son menton. La peau était mate, les lèvres rouges.

Elle parut à Chalmin gracieuse et séduisante. Il distingua la finesse de ses attaches, la cambrure de son pied, la disposition symétrique de sa coiffure et la courbe parfaite des bandeaux noirs collés à son front. Elle portait une robe en toile mauve, de coupe médiocre, dont Robert, mauvais juge en élégances féminines, apprécia la simplicité et la modestie.