Page:Leblanc - Une femme, 1893.djvu/278

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dieu, deux Méridionaux, gras, importants et bruyants, Étienne Riville, armateur, et Bourdesque, négociant en vins, se demandaient avec angoisse comment ils gagneraient l’heure lointaine du train pour Paris. Bourdesque dit :

— Si nous suivions une femme… à peu près propre, bien entendu.

L’attente fut longue. Une procession défila de créatures inélégantes et vilaines, de vierges osseuses, de grosses mamans rebondies, toutes fagotées, vulgaires, contrefaites, de physionomie rechignée et de silhouette déplorable. Riville gémit :

— Dis donc, vieux, le beau sexe ne brille pas.

Mme  Chalmin passait. Bourdesque répliqua :

— En voilà une qui n’est pas mal.

— C’est une femme honnête, dit l’autre. Bah ! allons toujours, la vue n’en coûte rien.

Dix minutes plus tard, rue Saint-Nicolas, Lucie tourna court sur elle-même, vint à leur rencontre et se planta devant une boutique de bric-à-brac.

D’un commun accord on choisit, à cause de sa double issue, l’hôtel des Deux-Œillets, situé quai Saint-Sever. On s’y rendit séparément.

Les compliments d’usage accomplis, les liqueurs bues, les biscuits avalés, ces messieurs embrassèrent la jeune femme. Puis Riville s’esquiva un moment, la laissant avec Bourdesque,