Page:Leblanc - Une femme, 1893.djvu/45

La bibliothèque libre.
Aller à la navigation Aller à la recherche
Cette page a été validée par deux contributeurs.

plaisantant, il se permettait de menues privautés dont elle ne se souciait point.

L’après-midi, elle se promenait, soit avec sa mère, soit avec Mme Bouju-Gavart, rarement avec Henriette, suivant la prière de Chalmin : « Chez toi ou chez elle, voyez-vous tant que vous voudrez, mais en public et sans moi, cela peut te faire du tort. » Quand elle la rencontrait, elle n’en parlait pas à son mari.

Dans la rue, elle portait des chapeaux fermés, des robes et des manteaux de teinte sombre. Elle passait inaperçue.

En avril Mme Chalmin annonça qu’elle se croyait enceinte. Robert manifesta une joie bruyante. Lucie ne savait trop ce qu’elle ressentait. Devait-elle se réjouir ou se tourmenter ? Tantôt la présence de cet être encombrait son avenir, d’autres fois, au contraire, le parait de couleurs plus gaies et plus chaudes. Souvent l’appréhension du dénouement lui serra le cœur.

Mais une obsession la dominait. Resterait-elle abîmée ?

Depuis quelque temps, le germe d’orgueil qu’avaient déposé les flagorneries de M. Bouju-Gavart et vivifié deux ou trois exclamations de Chalmin, peu enclin cependant à l’enthousiasme, ce germe grandissait et acquérait, dans l’ensemble de ses pensées, une importance notable. Elle s’admirait.