Page:Lebreton - Biographie rouennaise.djvu/79

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

interprétés, allait renoncer au théâtre. Les comédiens de l’hô- tel de Bourgogne ne devaient pas non plus conserver long- tems une pensionnaire dont le concours leur était devenu si précieux, mais qu’une troupe rivale devait enfin parvenir à leur enlever. A la rentrée de Pâques 1679, la Champmeslé et son mari passèrent, en effet, au théâtre de la rue Mazarine, vulgairement appelé théâtre Guénégaud, où, indépendamment de leur part comme sociétaires, il leur fut accordé à chacun, par un contrat particulier, une pension annuelle de 1, 000 livres.

Une pièce du répertoire de ce théâtre, l’Ariane de Thomas Corneille, fut choisie par la tragédienne pour se faire connaître sur cette nouvelle scène, où elle allait encore se montrer digne de sa renommée.

Lorsque la troupe de l’hôtel de Bourgogne et celle du fau- bourg Saint-Germain se furent réunies, la Champmeslé resta en possession des premiers rôles, et régna en souveraine sur un théâtre où elle était plus que jamais applaudie, plus que jamais sans rivale. Son triomphe ne se bornait pas seulement au théâtre de Paris ; appelée souvent à Versailles avec les comédiens de sa troupe, pour y représenter ses meilleures pièces dans les appartemens du dauphin, le jeune prince et toute sa cour se plaisaient à lui témoigner, par leur empressement à assister à ces représentations, combien ils estimaient un talent aussi vrai et aussi communicatif.

Ce fut au commencement de l’année 1698 que la Champmeslé, atteinte d’une grave indisposition, se vit forcée de suspendre les représentations d’une pièce nouvelle de La Grange-Chancel, Oreste et Pylade, pièce qu’elle venait de faire réussir. Dans l’espoir d’un prompt rétablissement, elle s’était aussi décidée à quitter Paris pour aller habiter une maison qu’elle possédait au village d’Auteuil ; mais là, le mal, qui s’était encore aggravé, fit de si rapides progrès, qu’il ne fut bientôt plus permis de rien espérer cette maladie était mortelle.

Le curé de Saint-Sulpice, qui s’était présenté chez elle pour la préparer au funeste passage qui lui avait toujours causé tant d’appréhension, ayant surtout insisté sur la nécessité qu’il y avait, pour l’absoudre, à ce qu’elle déclarât formellement renoncer au théâtre, eut beaucoup de peine à l’y déterminer, la mourante déclarant, au contraire, qu’elle trouvait glorieux pour elle de mourir comédienne. Mais, en voyant s’approcher le moment suprême, elle se soumit à tout ce qu’on exigea d’elle, et, après avoir reçu les sacremens de la main du curé d’Auteuil, qui parvint à lui faire envisager la mort avec résignation, mais non à l’empêcher de regretter la vie, elle expira le 15 mai 1698.

Le lendemain, son corps fut porté à Paris et inhumé à Saint- Sulpice, sa paroisse.