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ses coups de sifflets stridents et comme désespérés déchirant la nuit ; sa machine, qui souffle et halète comme un malade et menace de nous laisser en détresse pour augmenter celle qui nous étreint en cette nuit lugubre.

Quel voyage épouvantable et dont tous nous nous souviendrons longtemps. Personnellement, je me rappelle que, harassé de fatigue, terrassé par la faim, je parvenais enfin à sommeiller, quand tout à coup le bruit métallique produit par la traversée d’un pont me réveilla en sursaut et, abruti plus qu’ahuri, j’eus cette vision fantastique, des arbres, des poteaux télégraphiques, des clôtures le long de la voie, des lumières blafardes ou clignotantes des gares traversées, je vis le tout défiler devant mes yeux dans un amalgame indescriptible et dansant une sarabande infernale. Seule, la voix de mes compagnons d’exil me rappela à la réalité. Au lieu de partir directement vers Soltau, via Cologne, Dortmund et Hanovre, notre train fit un détour pour nous montrer à la population. Nous traversons aussi les villes de Coblentz, Nassau, Limburg, Giessen, Marburg, Gunterhaussen, Hammunden, Elze, Hanovre et Soltau, où nous arrivons le lundi 1er septembre dans l’après-midi, et n’ayant pris pour toute nourriture que deux très, très légères collations. Un long arrêt à chacune de ces gares, et que ce soit à midi, minuit ou trois heures du matin, les habitants prévenus