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V

Le travail.


« Le travail honore l’homme », dit un vieux dicton, mais pendant notre captivité, les Allemands, avec leur délicatesse proverbiale, s’employèrent à nous le montrer comme une peine déshonorante. Les assassins condamnés aux travaux forcés ne connaissent pas les misères et vexations que nous avons dû subir.

D’abord, c’est ce travail sous l’œil d’une sentinelle dont chaque cri guttural ressemble étonnamment au hurlement d’une bête fauve ; ce cri, appuyé le plus souvent d’un coup de crosse, nous répugnait et nous révoltait. C’est bayonnette au canon que l’on nous conduisait à la tâche quotidienne qui consistait souvent à remplacer la bête de somme. Les hommes ployaient l’échine sous l’écrasant fardeau des poutres, des planches ou des sacs de ciment et devaient porter ces charges sur un parcours d’un kilomètre environ, et lorsque épuisé par un effort que de longues privations ne lui permettaient pas de soutenir, il arrivait qu’un malheureux tombât, coups de crosses, coups de matraques, coups de pieds pleuvaient sur lui et le forçaient à se relever et à continuer son douloureux calvaire…