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Combien en avons-nous vu de ces pauvres hères, remplaçant dans les brancards d’un chariot les bœufs qui auraient dû le traîner. Plus de cinq cents témoins peuvent affirmer qu’un soir le chariot était chargé au point que les hommes ne pouvaient le faire démarrer ; nous avons vu cette chose aussi incroyable que monstrueuse, des sentinelles frapper sur les hommes et ceux-ci tirer au point que les harnais cassèrent et que nos malheureux frères d’armes allèrent rouler dans la poussière. C’est ce qui amusa le plus le sous-officier allemand qui commandait la corvée.

Chaque jour amenait des sévices nouveaux, témoin cet artilleur poursuivi par un chien policier, renversé et mordu assez sérieusement pendant que l’Allemand cognait à coups de matraques sur le malheureux qui se roulait par terre en hurlant de douleur.

Combien de larmes n’avons-nous pas essuyées, non pas des larmes de douleur, mais des larmes de rage devant notre impuissance à châtier ces fauves à face humaine.

Peut-on rêver lâcheté plus grande que de frapper et de maltraiter des hommes qui non seulement n’ont plus la force physique pour se défendre, mais n’ont même pas la faculté de l’essayer ; les malheureux savaient qu’au moindre geste de révolte qu’ils esquisseraient, ils seraient immédiatement passés par les armes. Nos bourreaux aussi le savaient et en abusaient.