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Les quelques souvenirs remis, je dus déchirer le voile du mystère qui enveloppait pour elle la mort de son cher disparu. Elle m’explique tout ce que son imagination a déjà échafaudé sur cette mort et me raconta les tortures de son esprit le jour, tortures changées la nuit en cauchemars terrifiants.

Dans cette pièce meublée modestement, mais qu’un rayon de soleil rend moins triste, je raconte la mort de mon ami. Les yeux fixés, comme rivés, au portrait de son fils, elle écoute mes paroles évocatrices. Je lui raconte les dernières révoltes de son enfant, je lui dis ses dernières volontés, ses derniers adieux et, au plus fort de son agonie, l’espoir qu’il avait gardé malgré tout de revenir au pays pour la soutenir et lui rendre sa vieillesse heureuse. Je lui dépeints la sérénité que la mort avait donné à ses traits énergiques, et en ce moment, il me semble le revoir avec sa figure martiale dont la mort avait figé les traits ; il me semble que son ombre est parmi nous, qu’il s’est relevé du sol aride où il est couché pour venir me remercier et maintenant je le revois comme au jour où, jeune, plein de force et de santé, il quittait sa vieille mère pour aller bravement faire son devoir. J’encourage et je réconforte cette pauvre vieille maman qui m’écoute, je m’efforce de rendre ma voix caressante, j’essaie surtout d’écarter d’elle la désespérance. À chacune de