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mes phrases, la pauvre femme secoue tristement la tête, elle secoue son chef décharné d’une façon lamentable tout comme ces branches cassées par la tempête et que le vent agite doucement sans pour cela qu’elles se décident à tomber et à mourir.

Silencieusement, la bonne maman pleurait, de temps en temps un sanglot convulsif soulevait sa maigre poitrine et déchirait, de son cri rauque, le silence qui nous environne. Pauvre petit, sanglote-t-elle, je ne le verrai plus, plus jamais, et ses yeux noyés de larmes vont du portrait à la porte entr’ouverte comme pour le chercher et l’inviter à rentrer. Un rayon de soleil joue par l’entrebâillement, apportant un peu d’espérance dans cette demeure de la douleur, où le deuil et le désespoir sont devenus maîtres du logis. Quant à moi, l’émotion m’empêchait de continuer.

Au bout de quelques instants, elle se leva et, dans un geste de révolte, elle me clama ses souffrances, son désespoir ; elle maudit la guerre cruelle qui lui avait enlevé son bâton de vieillesse et fait d’elle une épave humaine, qui avait enlevé tant de jeunesse, tant d’espoirs, elle maudit surtout les barbares qu’elle avait vus à l’œuvre.

« Je les ai vus, dit-elle, pillant tout, violant les femmes, égorgeant les enfants, profanant les tombes, tuant sans aucune espèce de remords.