Page:Lecompte - Monseigneur François de Laval, 1923.djvu/16

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 14 —

au rayonnement de sa figure, pour le grand législateur d’Israël sortant d’un entretien sublime avec Jéhovah.

À l’oraison fervente les saints joignent la mortification. Elle fut très grande chez le premier évêque de Québec. Il couchait sur un chétif matelas posé sur des planches ; se levait à 2 heures du matin, sauf les cinq dernières années où il se levait à 3 heures, dans une chambre froide, sans feu l’hiver ; se rendait à l’église à 4 heures, une lanterne à la main, en ouvrait les portes, sonnait sa messe qui commençait à 4 heures et demie, pour les ouvriers, et demeurait à l’église ou à la sacristie jusqu’à 7 heures. Malgré ses plaies très sensibles aux jambes et aux pieds, il disait chaque jour la sainte messe, assistait à tous les offices de la cathédrale, toujours couvert du cilice qu’il garda jusqu’à sa mort. — Son jeûne était on peut dire continuel : il ne déjeunait jamais, et son repas, le soir, n’était qu’une légère collation ; on l’a vu souvent se nourrir de viande moisie, dont il écartait les vers en la plongeant dans de l’eau chaude ou dans le bouillon de sa soupe, et qu’il trouvait très bonne.

Son humilité était profonde. Il aimait à s’entourer de conseils, il ne s’avançait qu’avec défiance de lui-même, mais, une fois sa décision prise pour des motifs toujours surnaturels, sa confiance en Dieu le rendait inflexible. Les raisons qu’il apporta pour se démettre de sa charge lui permirent de jeter un voile sur son humilité.

La première des vertus, la charité, devait nécessairement embraser ce cœur si épris de Dieu. Elle se déversait à flots sur tous les maux pour les guérir, sur toutes les peines pour les consoler, sur tous les besoins pour y subvenir. Comme toutes les âmes nobles, il était magnifiquement détaché des richesses : ses revenus passaient aux œuvres et aux pauvres ; il ne se réservait rien. Peu de mois avant sa mort, n’ayant pas de quoi faire l’aumône, il essaya d’en obtenir du Séminaire, qui, à l’extrémité lui-même, ne put l’aider. Sur quoi, il fit réflexion que, dans l’impossibilité où il était de soulager les pauvres, il ne pouvait plus vivre longtemps ; prédiction qui se vérifia six mois plus tard. Et à ce moment il ne possédera pas la valeur d’un sou à léguer à ses chers pauvres.