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II


Travaux, luttes et souffrances


Nous avons dit l’enthousiasme de l’accueil fait au prélat à son arrivée à Québec. Il était accompagné de trois prêtres séculiers et du P. Jérôme Lalemant nommé supérieur de la Mission du Canada. Les Jésuites eurent, les premiers, le bonheur de recevoir l’évêque sous leur toit ; peu de temps il est vrai. Puis il passa successivement à l’Hôtel-Dieu, au monastère des Ursulines, à la maison de Madame de la Peltrie, et enfin dans une vieille demeure qui devint plus tard le presbytère.

Ce dénument n’arrêtait guère Mgr de Laval, habitué à de bien autres sacrifices ; il y voyait plutôt, dans ses vues toujours surnaturelles, un gage de fécondité pour ses œuvres. Ce qui le préoccupait davantage c’était le triste état de la colonie, harcelée par les Iroquois et manquant de secours suffisants de la mère-patrie, de plus quelques démêlés avec le gouverneur d’Argenson, l’opposition plus grave de l’abbé de Queylus se prévalant de sa nomination de grand vicaire par l’archevêque de Rouen. Cette opposition fut bientôt réduite ; quant à M. d’Argenson, il fut remplacé en 1661 par le baron d’Avaugour. Mais voici bien qu’un autre conflit allait surgir plus grave que les précédents.

Depuis le retour du Canada à la France (traité de 1632), la vente de l’eau-de-vie aux sauvages avait pris des accroissements qui rendaient de plus en plus difficile la conversion de ces enfants des bois. Les prohibitions des différents gouverneurs, un édit du roi, les défenses sous peine de péché des missionnaires, rien n’avait pu ralentir la marche du fléau. Le P. de Rochemonteix résume ainsi ce qu’en écrivaient les Relations des Jésuites et la vénérable Marie de l’Incarnation ; « Païens et néophytes se livrent aux plus déplorables excès d’immoralité et de barbarie. Aux chants de joie succèdent les plus honteux débordements, des cris, des hurlements, des altercations, des luttes sanglantes. Le sang se mêle aux libations. Les pères égorgent leurs enfants,