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prêtres, surtout contre les Jésuites. On conçoit la douleur, les angoisses du saint évêque. « Il a pensé mourir de douleur, écrit Marie de l’Incarnation, on le voit sécher sur le pied. »

Mgr de Laval crut que le seul remède était un appel direct au roi. Il voulut le porter lui-même. Au mois d’août 1662, il se mettait en route pour la France. Les plaintes, les mémoires des trafiquants l’avaient précédé à la cour. Ils n’étaient pas sans avoir causé une impression défavorable, même sur l’esprit du grand ministre Colbert. Mais la présence de l’évêque dissipa toutes ces nuées, du moins dans l’esprit du roi qui avait le prélat en très grande estime. Celui-ci pouvait écrire à la Propagande, en rendant compte du succès de son entrevue : « Le roi très chrétien m’a reçu avec une extrême bonté, et m’a accordé tout ce que je lui ai demandé. »

Parmi ces demandes se trouvait l’interdiction de la traite de l’eau-de-vie ; elle fut promulguée. Il y avait aussi le rappel du baron d’Avaugour ; il fut destitué et remplacé par M. de Mésy. L’évêque revint au Canada accompagné du nouveau gouverneur, de quelques ecclésiastiques, de soldats et de colons (septembre 1663).

En remettant le pied sur notre sol, l’évêque apprit que le trafic des boissons avait déjà cessé de lui-même, sous le coup de la terreur. Pendant six mois, de février à juillet, la terre avait été violemment secouée dans toute la vallée du Saint-Laurent, le sol avait été bouleversé en plusieurs endroits, des montagnes s’étaient affaissées, les populations affolées avaient couru aux églises, assiégeant les confessionnaux, les boissons enivrantes avaient cessé de couler. « Quand Dieu parle, écrivait le P. Lalemant, il se fait bien entendre, surtout quand il parle par la voix des tonnerres ou des Terre-tremble, qui n’ont pas moins ébranlé les cœurs endurcis que nos plus gros rochers, et ont fait de plus grands remuements dans les consciences que dans nos forêts et sur les montagnes. »

La vente de l’eau-de-vie était donc enrayée. Ce ne fut qu’une accalmie. Nous verrons de nouveau l’évêque aux prises avec le monstre Alcool.