Page:Leconte - Le Bouclier d’Arès, 1897.djvu/138

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Et, dans l’air lourd de meurtre où lentement tournoie,
En cercles bas, un noir pygargue au bec béant,
Le vent lui porte, avec un sourd accent de joie,
Dominant le massacre et les clameurs de proie,
L’écho religieux et grave du pœan.

En vain, sur la phalange aux armures massives,
Il a poussé trois fois les pesants cavaliers ;
Trois fois, la honte au front et l’écume aux gencives,
Il a vu les juments ibères, convulsives,
Écraser leurs poitrails sur les grands boucliers.

En vain il a laissé les blessures vermeilles
Empourprer le byssos de sa robe au poil long,
Et, défiant l’épais vol des flèches, pareilles
À l’essaim bourdonnant des stridentes abeilles,
Dispersé le troupeau des archers de Gélon.

Toujours, vivant rempart où la sarisse ondule,
Les hétaires sont là que nul choc n’a rompus ;
Et leurs panaches, plus hauts dans le crépuscule,
Jettent l’ombre à la plaine, où, pas à pas, recule
Le cercle épouvanté des éléphants trapus.

Ses mercenaires, ses vétérans et sa garde
Cataphracte ont comblé de leurs corps les sillons,
Où le vol des vautours déjà plane et s’attarde,
Et l’Étrusque, et le Celte, et le Volsque, et le Sarde
Engraisseront demain les chiens et les aiglons.