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POÈMES ANTIQUES.


Le rire éblouissant rayonne sur sa joue,
Une forme parfaite arrondit ses bras nus,
Son épaule est de neige et l’aurore s’y joue ;
Des lys d’argent sont nés sous ses pas ingénus.

Elle est grande et semblable aux fières chasseresses
Qui passent dans les bois vers le déclin du jour ;
Et le vent bienheureux qui soulève ses tresses
S’y parfume aussitôt de jeunesse et d’amour.

Les pasteurs attentifs, au temps des gerbes mûres,
Au seul bruit de sa voix délaissent les moissons,
Car l’abeille Hybléenne a de moins frais murmures
Que sa lèvre au matin n’a de fraîches chansons.

Le lin chaste et flottant qui ceint son corps d’albâtre
Plus qu’un voile du temple est terrible à mes yeux :
Si j’en touche les plis mon cœur cesse de battre ;
J’oublie en la voyant la Patrie et les Dieux !

Éros, jeune Immortel, dont les flèches certaines
Font une plaie au cœur que nul ne peut fermer,
Incline au moins son front sur l’onde des fontaines ;
Oh ! dis-lui qu’elle est belle et qu’elle doit aimer !

Si rien ne peut fléchir cette vierge cruelle,
Ni la molle syrinx, ni les dons amoureux,
Ni mes longs pleurs versés durant les nuits pour elle,
Éros ! j’irai guérir sur des bords plus heureux.