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Page:Leconte de Lisle - Œuvres, Poèmes tragiques.djvu/139

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LE LÉVRIER DE MAGNUS.


Est-ce lui qui déjà l’emporte sur son aile,
Qui l’étreint de sa griffe, et souffle par instants
Dans ses os l’avant-goût de la flamme éternelle ?

Rien ! plus rien ! Un soupir des poumons haletants,
Un vertige, un espace immense, une nuit noire.
Magnus oublie, il part, et s’en va hors du temps.

Ainsi, comme du haut d’un âpre promontoire
On voit l’horizon vaste au loin se déployer,
Le vieux Duc songe aux jours lointains de son histoire.

Il marche, le front bas, aux lueurs du foyer,
Tel qu’un morne lion qui tourne dans sa cage,
Heurtant les durs barreaux qu’il ne saurait broyer.

Le vent hurle toujours au dehors et fait rage.
Les muets sont toujours debout. Sur le pavé
De l’âtre, le Chien noir cligne son œil sauvage.

Magnus se souvient-il, ou bien a-t-il rêvé
Qu’en ses veines la mort mit un frisson de glace ?
Il ne sait. Il poursuit le songe inachevé.

Quel éblouissement inattendu l’enlace ?
Une tente aux longs plis de soie, aux cordes d’or ;
De somptueux coussins posés de place en place ;

Des cassolettes où l’ambre qui fume encor
Unit son tiède arôme aux frais parfums des roses,
Filles des chauds soleils de Perse et de Lahor ;