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LE LÉVRIER DE MAGNUS.


Enfin, las, assouvi des torrides déserts,
Un suprême désir s’éveille dans ton âme
De voir couler le Rhin entre ses coteaux verts.

L’ancien pays longtemps oublié te réclame ;
Tu voudrais enfouir au donjon des aïeux
Les trésors amassés durant ta vie infâme.

Tous les hommes étant, quoique fort envieux,
Lâches et vils devant quiconque a la richesse,
Ton or taché de sang éblouira leurs yeux !

Mais comment échapper à ta horde ? Sans cesse
Tu songes à cela, sombre et vieux prisonnier
De la bande de loups que tu mènes en laisse.

Ces Dieux-là, tu ne peux du moins les renier ;
Une chaîne infernale à ton destin les lie.
Oh ! les exterminer d’un coup, jusqu’au dernier !

Fuir cette terre horrible et de terreurs emplie,
Et, feignant le retour pieux au sol natal,
Jouir de tant de biens dont la source s’oublie !

Or, une nuit, tandis que le spectre fatal,
Le chien muet, hantait ta paupière fermée,
Tu t’éveilles bien loin du monde oriental.

Qu’est-ce donc ? Ce n’est plus la tente accoutumée.
Dors-tu, Magnus ? Es-tu couché dans ton linceul ?
Quels sont ces murs massifs et hauts, noirs de fumée ?